Maine: Des cerfs vedettes du web touchent le cœur des Québécois
Dans un geste qui rappelle nos propres valeurs de solidarité et de respect de la nature, un père et son fils du Maine nourrissent depuis des décennies des centaines de cerfs affamés, créant une communauté virtuelle qui dépasse les frontières.
Chaque matin d'hiver, Richard et Randy McMahon répandent près de 450 kilos de nourriture dans huit mangeoires aménagées dans leur cour de Brownville. Leurs gestes de compassion sont retransmis en direct sur YouTube à plus de 157 000 abonnés qui ont développé un attachement profond pour ces créatures vulnérables.
Les internautes ont baptisé leurs favoris: Lefty, reconnaissable à l'entaille dans son oreille gauche, Big G aux bois imposants, ou encore Shaggy au pelage ébouriffé. Ces animaux sont devenus de véritables membres de la famille pour des milliers de spectateurs.
"Ils deviennent votre famille", confie Betty Sullivan, 72 ans, de San Francisco, qui passe des heures chaque jour à observer ces cerfs depuis son appartement sans vue sur la nature.
Une tradition familiale devenue mission sociale
Richard McMahon, 78 ans, a grandi dans une famille de chasseurs qui dépendait du gibier pour se nourrir. Mais avec l'âge, sa perspective a évolué vers la protection plutôt que la chasse.
"Ils m'ont nourri pendant des années, dit-il, et maintenant, je vais les nourrir."
Cette philosophie de réciprocité et de respect envers la nature résonne particulièrement avec nos valeurs québécoises de solidarité et de protection de l'environnement.
Commencée il y a près de 40 ans avec quelques poignées d'avoine, cette initiative s'est transformée en véritable centre de distribution alimentaire pour la faune. Les McMahon distribuent annuellement environ 40 tonnes d'avoine, 6 350 kilos de pommes et 680 kilos de glands.
Un financement participatif exemplaire
Face aux coûts annuels de 15 000 dollars, les McMahon ont lancé leur chaîne YouTube "Brownville's Food Pantry For Deer" en 2016. Cette démarche transparente et communautaire a permis de récolter des dons suffisants pour maintenir leur mission, démontrant la force de la mobilisation citoyenne.
Aujourd'hui, quatre caméras offrent différents angles de vue sur cette oasis hivernale. Restaurants, bars et hôpitaux de la région diffusent ces images apaisantes, créant un lien collectif avec la nature.
Un impact éducatif remarquable
Ellen Phaneuf, enseignante de maternelle à San Diego, utilise ces vidéos pour sensibiliser ses élèves à la faune. "Mes élèves savent maintenant distinguer les chevreuils, biches et faons", explique-t-elle. "Ils commencent à se soucier de la faune et des moyens de la préserver."
Cette dimension éducative illustre parfaitement comment la technologie peut servir à reconnecter les jeunes générations avec la nature, un enjeu crucial dans notre société de plus en plus urbanisée.
Controverses et défis environnementaux
Malgré ses bonnes intentions, cette initiative soulève des questions légitimes. Le département de la Pêche et de la Faune du Maine déconseille fortement de nourrir les cerfs, invoquant les risques de dépendance, de propagation de maladies et de perturbation des migrations naturelles.
Cette tension entre compassion individuelle et gestion écologique scientifique reflète des débats similaires au Québec concernant l'intervention humaine dans les écosystèmes naturels.
Randy McMahon, propriétaire d'une entreprise d'entreposage, maintient que leur banque alimentaire a sauvé des milliers de cerfs. Nathan Webb, directeur de la division faune sauvage, reconnaît que nourrir les cerfs en hiver peut les aider à survivre si les précautions sanitaires sont respectées.
Une saison record en perspective
Cette année, la sécheresse automnale pourrait avoir réduit la production de glands, augmentant la pression sur les sources de nourriture naturelles. Les McMahon se préparent à une "saison record" avec potentiellement plus de cerfs que jamais.
Lundi dernier, un nouveau cerf blessé à la patte, rapidement baptisé "Champ" par la communauté en ligne, a rejoint la famille virtuelle. Les commentaires bienveillants et les vœux de rétablissement témoignent de l'humanité qui unit cette communauté internationale autour de la protection animale.
Cette histoire du Maine nous rappelle que la compassion envers les créatures vulnérables transcende les frontières et les espèces, incarnant des valeurs universelles de solidarité et de respect du vivant qui nous sont chères au Québec.