La démission de Christian Dubé révèle les fractures profondes du système de santé québécois
Le départ du ministre de la Santé Christian Dubé fait des vagues dans tout le réseau de la santé québécois. Si certaines organisations médicales préfèrent garder le silence, les syndicats et associations professionnelles dressent un bilan sévère de son passage, pointant du doigt la détérioration du climat de travail et le sous-financement chronique qui mine notre système public.
Un silence éloquent du côté médical
La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) a choisi de ne pas commenter la démission, invoquant le vote en cours sur l'entente de principe avec le gouvernement. Les médecins de famille ont jusqu'à vendredi 9 h pour se prononcer sur cette entente cruciale pour l'avenir des soins primaires au Québec.
Du côté des spécialistes, la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) s'est contentée d'un message laconique sur les réseaux sociaux : "Au-delà de la politique, il y a l'être humain. Nous souhaitons bonne chance à Christian Dubé pour la suite."
Il faut dire que les relations entre le ministre et ces deux fédérations étaient tendues, au point où elles refusaient carrément de négocier avec lui. Même deux rencontres avec le premier ministre François Legault n'ont pas suffi à débloquer les négociations avec les spécialistes.
Le Collège des médecins salue l'engagement
Seul le Collège des médecins du Québec a eu des mots positifs pour le ministre sortant. Son président, le Dr Mauril Gaudreault, a salué "son engagement à moderniser le réseau de la santé et à élargir l'accès aux soins".
L'Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) a également souligné l'engagement du ministre, tout en dénonçant les dernières propositions gouvernementales qui constituent selon elle "une menace sérieuse pour la pérennité de la pharmacie communautaire".
Les syndicats tirent la sonnette d'alarme
C'est du côté syndical que les critiques sont les plus virulentes. Julie Bouchard, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), dresse un constat sans appel : "Le climat s'est détérioré dans le réseau et les façons de faire ont fragilisé la confiance, tant chez les professionnelles en soins que chez d'autres acteurs du système."
Pour Mme Bouchard, cette confiance est pourtant essentielle pour améliorer l'accès aux soins. Elle ne peut se bâtir "ni dans la confrontation ni par des réformes imposées, mais par l'écoute, le respect et la reconnaissance de l'expertise de celles qui soignent au quotidien".
La FIQ s'inquiète également de l'instabilité que pourrait engendrer ce départ à moins d'un an des élections. Le réseau de la santé québécois, déjà fragilisé, ne peut se permettre une période prolongée d'incertitude.
Le sous-financement pointé du doigt
Robert Comeau, président de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), voit dans cette démission "un geste de responsabilité" qui illustre les limites des réformes menées sans s'attaquer au véritable problème : le sous-financement chronique.
"On a changé les structures, les lois, créé Santé Québec, mais sans donner au réseau public les moyens nécessaires pour livrer des résultats concrets", déplore-t-il. Pendant ce temps, le personnel et la population continuent de subir les conséquences sur le terrain, entre surcharge de travail chronique et services toujours plus fragilisés.
Un système à bout de souffle
Cette démission révèle les failles profondes de notre système de santé public. Malgré les réformes structurelles et la création de Santé Québec, les problèmes de fond persistent : manque de financement, climat de travail détérioré, relations tendues avec les professionnels de la santé.
Le prochain ministre aura la lourde tâche de reconstruire la confiance et de redonner espoir à un réseau public qui constitue pourtant l'un des joyaux du modèle québécois. Il faudra plus que des réformes cosmétiques pour relever ce défi : une véritable vision à long terme et les investissements qui l'accompagnent.